INTRODUCTION
La révolte c’est, avant
tout, une grande colère, une magnifique colère, un formidable mouvement
vers l’émancipation de la tutelle qui en est cause, qui l’a
provoquée. C’est un mouvement de refus ; refus de ce qui fini
par maintenir en apnée, sous le poids de leur verdict oppressif, ce
qui fait croire être tout d’abord une protection, les lois sociales
reconnues, ces lois qui doivent à l’arbitraire de la domination,
leur rigueur. La révolte, c’est le désir de rompre d’avec
ce qui empêche d’évoluer sous le joug des lois sociales reconnues;
le désir de ruiner ce qui interdit d’être ; fonder les lois qui
ne sauraient appartenir à l’autorité arbitraire des lois sociales
reconnues, mais à l’émancipation des individus. C’est pourquoi,
dans la révolte, il y a de la joie, de la joie qui s’exprime bruyamment.
C’est ce que les visages manifestent, même lorsqu’ils arborent
une façade austère, parce que derrière cette austérité apparente, il
y a le sérieux de la colère contenue dans cette révolte, et non l’attente
angoissante d’un jugement sans appel. Et lorsque les sourires
s’affichent, il faut y voir le plaisir de vaincre l’instant,
contre la permanente suprématie de l’autorité hypocrite de l’adversaire.
La révolte est chargée de confiance,
contre l’énergie du désespoir qui s’empare de l’âme,
lorsque la soumission quotidienne dicte l’emploi du temps qui
prend la forme du labeur salarial. La révolte est une force, et non
ce qu’il reste lorsque tout ce qui devait l’éviter a été
épuisé, parce qu’elle est un enthousiasme et non une fatalité.
Elle est ce qui arrive lorsque, lassé d’obéir aux principes et
aux systèmes qui maintiennent en apnée sous le poids de leurs verdicts
oppressifs, à commencer par le plus torve d’entres ces systèmes,
l’Etat, elle se charge, non plus de mémoire, cette mémoire qui
n’est que celle des vaincus, et qui véhicule la peur de reproduire
l’échec, mais d’avenir, cet avenir qui donne à l’espoir
l’assurance d’être, qui fait du désespoir le plus profond,
la certitude d’être la plus intense.
Dans la révolte, n’est
pas contenu un programme qu’il reste à appliquer, mais bien le
refus des programmes qui sont appliqués, parce que de tels programmes
s’avèrent néfastes à tout ce qui cherche à vivre en dehors des
systèmes d’obéissance, en dehors des normes admises, c’est-à-dire
néfaste à ce qui fait l’homme libre. La révolte contient son propre
programme, celui qui donne à la conscience son caractère : l’être
libre, pour lequel la conscience de la vie est l’étoffe de l’âme,
sa responsabilité.
La révolte, c’est vouloir
exhumer une oasis là où le désert a recouvert la vie.
Gilles Delcuse